Au-devant de la vie (méthodes nouvelles d’éducation)
1950 Noir et blanc, muet (son manquant), 00:11:20, 16 mm
Guy Roustan, Camille Keichinger, M. Chaumery, OCE de Marseille
"Destiné à vulgariser auprès du personnel enseignant la connaissance des méthodes modernes d'éducation", Au Devant de la Vie est le second film pédagogique réalisé par l'Office cinématographique de l'enseignement de Marseille.
Nord de Marseille, dans le quartier populaire de Saint-Louis (15e).
Le film commence par montrer les jeux de rue joyeux, mais potentiellement dangereux, auxquels s'adonnent les enfants du quartier livrés à eux-mêmes hors du temps scolaire : barboter dans l'eau du caniveau, jouer au football avec une boite de conserve, faire des glissades sur les rambardes d'escaliers, donner des coups dans les volets des habitations, s'asperger d'eau à la fontaine publique.
Dans une opposition manichéenne, la séquence suivante montre des enfants quittant le logis familial avec leurs cartables et se retrouvant sur le chemin de l'école. Un enfant assis sur le trottoir rêvasse mélancoliquement en faisant flotter un bout de bois dans l'eau du caniveau jusqu'à ce que ses copains le relèvent et l'entrainent avec eux. Chemin faisant, ils "ramassent" d'autres enfants aux 400 coups dans la rue en les agrégeant à leur petite bande d'écoliers.
Garçons et filles arrivant à l'école de la cité Saint-Louis de bon matin. Chaque sexe occupe une aile de bâtiment distincte. Le film se concentre sur l'école des garçons.
Leçon de choses dans la cour de l'école
La cloche sonne, les garçons se mettent en rang et leur instituteur leur confie des travaux pratiques à réaliser dans la cour. Les enfants travaillent en groupe, prennent des mesures, font des schémas, des calculs, et débattent du meilleur moyen de végétaliser la cour de leur école. Ils cultivent le sol autour d'un arbre, installent des rosiers grimpants, des parterres de fleurs, etc. L'élève rêveur est quant à lui fasciné par l'aquarium qui se trouve à l'école.
De retour en classe, leur professeur leur dispense un cour d'histoire naturelle en traçant un beau schéma de fleur au tableau. Les élèves écoutent, disciplinés. Mais l'éloquence de leur maître ne suffit pas à leur faire entendre la leçon. Celui-ci s'impatiente, puis, devant l'évidente incompréhension d'un élève, il fait sortir toute la classe dans la cour. Il reprend la leçon à partir d'une des fleurs que les enfants ont cultivée eux-mêmes. Et, cette fois, ils comprennent les termes de la botanique avec évidence.
Plusieurs séquences de sorties illustrent ensuite la pertinence pédagogique des méthodes nouvelles d'éducation :
Un cours de géographie sur les docks
Garçons et filles de plusieurs classes visitent un cargo sur les docks. Mixité aussi des professeur.es qui ponctuent la visite d'explications. Accoudé au bastingage, le garçon rêveur contemple un horizon soudain plus grand et bien réel. Les plans suivants montrent l'application pédagogique de cette sortie : les enfants s'initient à la cartographie en positionnant de petites figurines de bateaux sur un immense plan du monde au mur de leur école.
Un cours de sciences naturelles sur modèle vivant
Cette fois ce sont les enfants qui sont à l'initiative et mettent à profit leur temps libre. Ils rapportent tout excités à leur maître un serpent qu'ils viennent de capturer. Loin de se démonter, celui-ci leur fait cour un livre d'histoire naturelle à la main, le serpent coincé entre deux baguettes dans l'autre. Après avoir été identifiée, la couleuvre est mise vivante dans une boite, empaquetée par les élèves et expédiée à Paris, au Vivarium du jardin des Plantes.
Un cour de dessin sur le motif
Sur les hauteurs de leur quartier, face à la mer, les jeunes écoliers s'initient au dessin paysagiste sous la supervision attentive de deux de leurs maîtres.
Retour sur les enfants de l'école de la Cité Saint-Louis chantant à l'image avec le logo de l'OCE et le mot Fin en surtitre.
Générique : L'Office cinématographique de l’enseignement présente" | ALLONS au devant de la VIE | Scénario : ROUSTAN, CHAUMERY prise de vues : KEICHINGER montage : ROUSTAN | Film réalisé à l’école de la Cité St-Louis Marseille directrice Mme Fiorini directeur : Mr Chaumery
Lieux de tournage : Marseille, école de garçons de la Cité St-Louis, église Saint-Louis, Docks de Marseille
"Outre la réalisation de divers reportages intéressant la vie de l'école et des associations post-scolaires, le film Au Devant de la Vie vient de voir le jour. Il est destiné à vulgariser auprès du personnel enseignant la connaissance des méthodes modernes d'éducation. Il a été réalisé avec les seuls moyens de l'Office et avec le concours des élèves de diverses écoles publiques du département." (Maurice Philip, directeur de l'OCE de l'Académie d'Aix-Marseille : "Rapport de fin d'année scolaire 1949-1950", adressé au Recteur de l'Académie d'Aix, à l'Inspecteur d'Académie des Bouches-du-Rhône et aux Président et Vice-Président de l'OCE)
Il s'agit du second "film pédagogique" réalisé par l'OCE de Marseille après-guerre. La construction manichéenne entre bon et mauvais comportement des enfants, qui se veut édifiante (et éducative), est très semblable dans sa première partie à celle qui structurait le 1er essai de l'OCE, Sois Poli (leçon de politesse), réalisé l'année précédente. Mais, la réalisation de Au-devant de la vie est beaucoup plus aboutie.
La seconde partie, entièrement consacrée à l'illustration des méthodes pédagogiques nouvelles favorisant l'initiative et l'autonomisation des enfants, n'en demeure pas moins éclairée par l'opposition manichéenne entre temps libre organisé par le post-scolaire comme une continuité de la scolarité et temps libre non encadré institutionnellement laissant les enfants livrés à eux-même, à la merci du danger et de l'ennui.
Le focus de cette illustration est entièrement réglé sur les garçons. Lire à ce sujet l'analyse documentaire de Sois Poli (leçon de politesse) par Nicolas PALLUAU : "(...) pour ces enseignants, le problème du respect des normes concerne les garçons plus que les filles. Sois poli ne montre aucune fille dans des attitudes inappropriées. Elles n’ont pas d’individualités et demeurent dans la figuration. Le film est fidèle à l’idée selon laquelle les filles hors norme n’existent pas. Dès lors, Sois poli fait des garçons les héros du film, négatifs comme positifs."
Note : Sur le chemin de l'école, la petite bande d'écoliers passe devant une guérite en ruine dont les murs sont recouverts du slogan "Oui", trace de la campagne du référendum du 13 octobre 1946 instituant la 4e République ?